En immersion dans une maison de retraite: Ce que nous y avons vu et appris.

IMMERSION DANS UNE MAISON DE RETRAITE:

Ce que nous avons vu et ce que nous avons appris.

Il y a quelques temps, une soeur nous proposait de venir l’aider durant sa garde de nuit dans une maison de retraite. Aider notre soeur, analyser un milieu inconnu, et être témoin que certaines institutions acceptent bel et bien que des soeurs voilées (et pour son cas intégralement) puissent travailler en leur sein, était une occasion que nous ne pouvions refuser.

Nous acceptions donc sa demande, ma soeur Oum Hemza et moi, prévenons nos responsables qui acquiescent notre démarche, et accompagnons notre soeur  à son travail.

Nous étions alors loin d’imaginer ce que nous allions voir ce soir là, bien que nous avions une petite expérience via les services gériatriques en milieu hospitalier.



La découverte d'un univers créé pour combler un manque.

Tout le monde possède de nombreuses idées quant à ce qu’est exactement une maison de retraite. On s’imagine un endroit froid, avec des personnes âgées en fauteuil roulant, un endroit sans vie: en somme, le seuil de la mort.

Nous avons demandé en premier lieu à notre soeur, si son emploi n’était pas trop contraignant. Elle nous à avoué que les horaires ( de nuit) lui permettait de pratiquer la prière de nuit, et l’apprentissage du Qûran, mais aussi que ce travail que beaucoup jugent « d’ingrat » est tout
simplement un rappel quotidien pour elle. Un rappel du Majestueux qui appelle à profiter de son temps avant que le temps ne retire la force, la mémoire et la vie aux être humains, par Sa volonté.

Quand nous poussons la porte de cette maison de retraite, il fait noir, et les habitants de ce lieu sont déjà dans leur chambre, endormis. Une
lumière douce nous guide jusqu’à la salle d’attente réservée aussi au personnel de nuit. La soeur met sa tenue afin de procéder au change des personnes les plus «dépendantes», car celles-ci doivent porter des couches. Munie de sa torche pour ne pas réveiller, elle débute sa garde.

Nous découvrons dans la pièce principale, une cuisine aménagée, un endroit où sont réchauffés les plats, mais qui permet aussi à la famille
qui visite le résident âgé, de cuisiner. Ainsi dans un pseudo décor familier, on reproduit  le temps d’un après-midi, un moment en famille

La rencontre avec des âmes, qui témoignent de leurs histoires à travers leurs maux.

Alors que nous découvrons l’endroit où vivent une vingtaine de personnes (pour cet étage), une femme d’à peine 60 ans environ, allume la lumière:

La personne âgée: –  »Bon je vais au travail»

La soeur: – «Mais non madame X, vous devez retourner dormir »

La personne âgée: –  »Non, non, je vais être en retard »

La soeur la raccompagne dans sa chambre. Elle nous expliquera que cette femme n’a plus « la raison » ( les conséquences de la maladie d’Alzheimer, el hamdouliLah), elle a été surprise à de nombreuses reprises jetant les matelas des autres résidents par la fenêtre. Une fois elle a aussi été retrouvé sur l’autoroute en pleine nuit, échappant à la vigilance de l’assistante de garde de nuit. Chaque nuit, cette vieille dame se réveille en pensant être en retard pour aller travailler : les automatismes de toute une vie …

Elle nous explique aussi que de nombreux résidents sont dans le même état.

Nous aidons notre soeur à effectuer ses visites dans les chambres, et nous entrons dans la chambre d’un pensionnaire d’environ 90 ans. Sur les murs nous découvrons des photos d’anniversaires, de réunions familiales passées, de petits enfants, de photos parfois jaunies par le temps. Puis nous le voyons lui, sur son lit médicalisé et amaigris. Nous ne reconnaissons pas cet homme, malgré les multiples portraits  affichés si bien que nous nous demandons si c’est bien la même personne. Il est immobilisé par des instruments médicaux, et souffre d’escarres dûs aux nombreuses heures passées allongé, el hamdouliLah.

La première chose qui nous est venu à l’esprit face à ce que nous voyons  est : La hawla wa la quwwata illa billah. (Il n’y a de puissance ni de force que par Allah). Oui, Allah donne la force, donne la vitalité, donne sans compter, mais un jour Il reprend tout. Laissant l’homme à ce
qu’il a acquit de bon comme de mauvais. Et quand il reprend, le corps n’est qu’un amas de peau emprisonnant un esprit brouillé. Cette image est gravé dans notre mémoire, car c’est le témoignage que la capacité entière appartient à Allah. Que peut importe ce que nous étions, nos performances, tout cela est le fruit d’une volonté Divine.

Quand nous sommes passées à la deuxième chambre, nous vîmes une vieille femme réveillée, qui cherchait après « Maurice ». Son mari décédé depuis déjà de très nombreuses années. Elle prit la soeur pour son mari, et lui demanda si il avait bien prit ses affaires qu’elle venait de repasser…
Nous la quittâmes, la laissant continuer à appeler « Maurice reviens ! » sans que nous puissions la convaincre de son propre sort, à savoir sa
présence dans une maison de retraite et l’absence de son époux.

L’émotion de ces scènes est intense. La rupture avec l’être aimé est aussi inéluctable. Finalement rien ne reste, et rien n’est voué à perdurer dans ce bas monde. Alors pourquoi ne pas miser sur ce qui ne connait pas de fin, pas de pause, pourquoi sommes nous si attachés à tout, quand finalement notre solitude sera inévitable ?

Nous nous sommes aussi demandé, où étaient leurs familles? Un sentiment de colère nous saisi dans un premier temps, des personnes si fragiles, pour la plupart de confession chrétienne ou athées qui ont pour la plupart de grandes familles… Mais personne ne peut s’occuper d’eux, leur état étant très difficile à gérer, handicaps physiques, mentaux, soins médicaux à fournir… Oui ce n’est pas facile, mais combien leur restent-ils d’années à vivre? 2 ans? 3 ans? Allah seul le sait.

Des rituels qui soudain nous paraissent des miracles.

Nous avons aussi vu cette nuit là, une femme d’une quarantaine d’année, qui était malade d’Alzheimer. Nous étions étonnées de son jeune âge.
SubhanaLlah… une maladie qui touche plus particulièrement les personnes d’un âge avancé. Allah encore une fois est capable de tout, et
il est capable de faire oublier aux jeunes. Et la vieillesse n’est pas la seule cause de la détérioration de l’humain. Tout peut arriver, et finalement la gratitude, la bonne gestion du temps est une affaire qui concerne tout le monde.

Nous avons ainsi pensé, à tout ce que ces personnes ne peuvent plus faire:

-Manger

-Se purifier

-Lire

Mais surtout:

-Prier

-Jeûner

-Invoquer

-Donner

-et avant tout….CROIRE.

Combien est vrai le hadith suivant :
‘Abdoullah Ibn ‘Abbass  rapporte que le prophète صلىاللهعليهوسلم a dit :

« Tire bénéfice de cinq choses avant cinq choses : ta vie avant ta mort, ta santé avant ta maladie, ton temps libre avant ton activité, ta jeunesse avant ta vieillesse, ta richesse avant ta pauvreté. » Rapporté par Al Hâfiz Al Hâkim.

Toutes ces interrogations ont ouvertes la porte à de profondes remises en question. Notre soeur nous raconte qu’un jour, en visitant une chambre, elle vit sur le mur d’une femme âgée, un tableau avec La Mecque qui indiquait l’heure. Elle demanda à la femme âgée, si elle savait ce que c’était, elle lui dit que elle ignorai totalement quel était ce monument qu’une personne avait surement dû lui offrir et qu’elle trouvait beau. Quand la soeur lui dit que c’était La Mecque, elle resta silencieuse, ne sachant pas ce qu’était La Mecque.

le lendemain la soeur voulant revisiter la femme âgée pour lui parler d’Allah, Allah avait déjà reprit son âme, les questions et les réponses ne seront plus posés dans ce bas monde…

Nous avons tellement de signes autour de nous, que nous ignorons par insouciance, mais ces signes témoigneront qu’Allah n’a jamais eu de cesse de nous avertir.

« Peu s’en faut que, de rage, il n’éclate. Toutes les fois qu’un groupe y est jeté, ses gardiens leur demandent: « Quoi ! Ne vous est-il pas venu d’avertisseur ? » Ils dirent: « Mais si ! Un avertisseur nous était venu certes, mais nous avons crié au mensonge et avons dit: Allah n’a rien fait descendre: vous n’êtes que dans un grand égarement ».Et ils dirent: « Si nous avions écouté ou raisonné, nous ne serions pas parmi les gens de la Fournaise.  Ils ont reconnu leur péché. Que les gens de la Fournaise soient anéantis à jamais. » Sourate al Mulk.

Le temps est un bienfait, mais peut être un témoin contre nous.

Nous voudrions pouvoir compléter ce témoignage. Dire des choses pour ne pas vous faire désespérer au sujet de l’avenir, mais Allah à fixé un terme à l’homme. Cette vie est telle un appareil photo jetable: les photos sont en nombre limité, et elles doivent être faites de la meilleure des manières, car quand l’appareil photo est jeté, et que les photos sont développées, elles restent dans ce livre de souvenirs, et nous serons
tous questionnés à propos de comment nous avons utilisé cet appareil photo, qu’avons nous photographié?
 « L’ouïe, la vue, et le cœur : sur tout cela, en vérité, on sera interrogé. » (Sourate Al-Israa’ 17/36)

Nous pensons aussi qu’Allah connait les histoires, car Il est le témoin des vies de ces gens, mais aussi Témoin de nos vies, celles de nos proches. Il est Miséricordieux et sa justice est parfaite, ainsi les raisons qui expliquent les fins de vie des gens dépend de beaucoup de facteurs, lié au Destin et à la succession des choix qu’ils ont émis par la volonté d’Allah.

Puis des réflexions qui découlent de cette visite, la manière dont nous traitons nos aînés. Oui, ce n’est pas facile, promettre de s’occuper d’une personne malade, qui répète 10 fois
la même chose, sans jamais écouter la réponse, être réveillé la nuit, devoir changer des couches, recevoir du vomi, des remarques désobligeantes liées à l’impatience de nos ainées etc… mais n’est-ce pas la
même configuration de notre état lorsque nous étions petits? Qui patiente si ce n’est celui qui est bon? Qui oeuvre et attend la
récompense Divine si ce n’est le musulman? Peu importe quelles relations nous avons avec nos parents, nos anciens, si ils ont été
injustes, ou insultant. Ce qui importe c’est que notre coeur soit vivant, et jamais la rancune doit être une barrière empêchant la
miséricorde et la bienfaisance de pénétrer dans celui-ci. Il y a plein de raisons d’abandonner, mais il y a beaucoup plus de raisons de patienter, et de rechercher l’agrément Divin. Surtout quand finalement cette histoire, c’est l’histoire de l’humanité.
Ton Seigneur a ordonné de n’adorer que Lui.
Il a prescrit d’être bon envers ses père et mère.
Soit que l’un d’eux ait atteint la vieillesse, ou que tous deux y soient parvenus, étant à ta charge,
garde-toi de marquer la moindre répulsion à leur égard ou de leur manquer de respect.
Parle-leur toujours affectueusement.
Fais preuve, à leur égard, d’humilité pour leur témoigner ta tendresse
et dis: Seigneur ! Aie pitié d’eux comme ils l’ont été pour moi, lorsqu’ils m’élevèrent tout petit.

(Coran, Sourate 17 – Le Voyage Nocturne, verset 23)

qu’Allah fasse miséricorde à nos morts, qu’Allah guide nos ainés, et fasse qu’ils ne soient pas considérés comme une charge pour nous, que nous ne soyons
pas non plus une charge pour eux ou pour nos enfants, mais que nous nous aimions en Lui, pour toujours et nous accorde beaucoup de miséricorde et d’affection.

Source : Aseela.org